Forbidden Colours dénonce une consultation biaisée de l’UE sur la stratégie pour l’égalité LGBTIQ+

Forbidden Colours tire la sonnette d’alarme concernant la consultation publique lancée par la Commission européenne sur l’avenir de sa stratégie pour l’égalité LGBTIQ+. Alors que la Commission présente cet exercice comme inclusif et tourné vers l’avenir, la réalité est bien plus sombre : la consultation est structurellement biaisée, politiquement déconnectée, et risque de répéter les erreurs critiques qui ont conduit à l’échec de la stratégie 2020–2025.

« Ce n’est pas le moment pour une continuité bureaucratique — c’est le moment d’avoir un courage politique radical », déclare Rémy Bonny, Directeur Exécutif de Forbidden Colours. « La Commission ne peut pas faire comme si tout était normal pendant que des États membres démantèlent ouvertement l’État de droit et ciblent les personnes LGBTIQ+. »

 

Une stratégie fondée sur de mauvaises hypothèses — qui se répète

En 2020, la première stratégie pour l’égalité LGBTIQ+ avait été développée alors que les signaux d’alerte étaient déjà bien visibles : la Pologne avait instauré des « zones sans LGBT », la Hongrie restreignait la reconnaissance légale des personnes transgenres, et les attaques contre la société civile s’accéléraient. Pourtant, la Commission avait répondu par des outils mous, une coordination non contraignante et des propositions législatives nécessitant l’unanimité au Conseil — une impossibilité compte tenu de l’influence croissante des gouvernements anti-droits.

Cinq ans plus tard, ces échecs sont devenus encore plus évidents et plus dangereux. Les marches des Fiertés sont interdites. Les organisations de la société civile sont surveillées ou privées de financement. Les lois contre la « propagande LGBT » se propagent. Mais au lieu de s’adapter, la Commission a lancé une consultation bâtie sur le même modèle défaillant.

La structure de la consultation reproduit la vieille stratégie — recyclant ses catégories, ses hypothèses et son cadrage vague. Et ses questions sont non seulement trompeuses, mais aussi profondément problématiques :

  • On demande aux répondant·es de hiérarchiser les droits des personnes LGBTIQ+, comme si l’autonomie corporelle, la reconnaissance légale ou la vie familiale pouvaient être négociables ;
  • La consultation brouille les responsabilités institutionnelles en parlant de ce que « l’UE » devrait faire, sans préciser qu’il s’agit d’une stratégie de la Commission seule ;
  • La consultation met sur un pied d’égalité des actions symboliques et l’application réelle du droit, tout en passant sous silence les outils dont la Commission pourrait se saisir pour agir : procédures d’infraction, mesures provisoires, ou mécanismes de conditionnalité des financement.

« Cette consultation nous demande de choisir quels droits méritent d’être protégés en priorité. Ce n’est pas seulement inadéquat — c’est insultant », affirme Vincent Reillon, Responsable de plaidoyer pour Forbidden Colours. « C’est du gaslighting institutionnel. Les droits fondamentaux ne sont pas un menu à la carte — et le rôle de la Commission n’est pas de choisir, mais de protéger tout ce qui doit l’être. »

 

La consultation elle-même est devenue une illustration vivante de la menace

Les mouvements anti-droits se sont emparés du portail de consultation public de la Commission pour diffuser des messages hostiles. À ce jour, 60 % des plus de 350 contributions publiées s’opposent aux objectifs et à l’adoption d’une stratégie européenne pour l’égalité des personnes LGBTIQ. 5 % des contributions ont été purement et simplement supprimées pour discours haineux.

Ces contributions hostiles recyclent les thèmes familiers du mouvement dit «anti-genre » en accusant l’UE de diffuser une « idéologie du genre », en appelant à exclure les personnes transgenres et intersexes des programmes d’égalité des droits et en affirmant que les droits fondamentaux des femmes et des personnes transgenres ne peuvent coexister.

Les réponses démontrent un niveau de coordination qui illustre à quel point le moment est critique. La Commission doit considérer la prochaine stratégie non pas comme une politique de routine, mais comme une stratégie de défense urgente des droits fondamentaux.

 

Ce que la Commission doit faire — maintenant

La Commission a certes une compétence législative limitée sur les questions d’égalité, mais elle n’est pas impuissante. Elle dispose d’outils d’application du droit, de responsabilités juridiques et d’un mandat clair pour défendre les Traités de l’UE et la Charte des droits fondamentaux. Elle doit simplement commencer à les utiliser pleinement et systématiquement.

Forbidden Colours appelle à une réorientation complète de la stratégie LGBTIQ+ — fondée sur l’action juridique, l’honnêteté politique et l’obligation de rendre des comptes.

Concrètement, la nouvelle stratégie doit inclure les engagements suivants de la part de la Commission :

  • Lancer systématiquement et sans délais des procédures d’infraction contre les États membres qui violent la Charte, le droit de l’UE ou la jurisprudence de la CJUE (ex : interdiction des rassemblements, lois de censure, attaques contre les ONG) ;
  • Demander des mesures provisoires pour suspendre immédiatement les lois discriminatoires ;
  • Activer et élargir les mécanismes de conditionnalité financière pour suspendre les fonds européens aux gouvernements qui s’attaquent aux minorités et à l’État de droit ;
  • Augmenter massivement les financements de la société civile — pas seulement sur des projets ponctuels, mais aussi via du soutien structurel pour les organisations qui défendent la démocratie, l’égalité et l’État de droit;
  • Nommer clairement les menaces. Fini les euphémismes. Si l’UE sait dénoncer lesingérences extérieures et l’autoritarisme, elle doit aussi le faire quand lesattaques viennent de l’intérieur.

« On ne combat pas un incendie avec un arrosoir. On ne répond pas à une dérive autoritaire par des tables rondes et des échanges de bonnes pratiques», conclut Rémy Bonny. « La Commission n’est pas un think tank. Elle est la gardienne des Traités. Il est temps qu’elle en assume pleinement la responsabilité. »

 

Ce n’est plus seulement une question de progrès social. C’est une question de survie politique.

Ce que vivent les personnes LGBTIQ+ aujourd’hui dans l’UE n’est pas un simple ralentissement dans l’accès à leurs droits. C’est une régression délibérée. C’est un projet politique coordonné visant à affaiblir les droits fondamentaux et à tester les limites de l’inaction de l’UE.

Si la Commission échoue à nouveau, ce ne sera pas seulement un échec politique — ce sera une trahison. Une trahison envers les personnes LGBTIQ+, envers la démocratie, et envers l’idée même d’une « Union des valeurs ».

Forbidden Colours appelle les citoyen·nes, les organisations et les allié·es à répondre massivement à cette consultation — et à exiger que la prochaine stratégie soit enfin à la hauteur de la menace.

Liens vers plus d’information :