La Budapest Pride interdite avec la complicité de la Commission européenne
Malgré l’annonce du maire de Budapest le 16 juin selon laquelle la Pride aurait lieu cette année sous la forme d’un « festival culturel urbain », la police a confirmé l’interdiction de la Budapest Pride. Et la Commission européenne continue de ne rien faire. Son refus d’agir fait d’elle non seulement un spectateur passif — mais un complice actif dans l’attaque de Viktor Orbán contre les droits fondamentaux des personnes LGBTIQ+. Une fois de plus, Forbidden Colours demande à la Commission européenne de faire son travail et d’engager une action en justice contre cette interdiction.
Un « festival culturel » interdit
Pour contourner la loi de mars 2025, le maire de Budapest avait requalifié l’événement Pride en « festival culturel municipal », qui ne nécessite pas d’autorisation de la police en tant que rassemblement. Cette astuce aurait permis de protéger les organisateurs — notamment Budapest Pride — de sanctions juridiques pour avoir organisé une manifestation interdite par la loi.
Mais le 19 juin, la police a décidé de requalifier l’événement comme une assemblée non autorisée, interdisant ainsi à nouveau la Budapest Pride et mettant les participants en danger d’amendes ou de poursuites.
Dans le même temps, des groupes anti-droits ont, eux, obtenu des autorisations pour défiler dans les mêmes rues prévues pour le 28 juin.
Trois mois de silence pendant que la Hongrie criminalise la Pride
Le 18 mars 2025, la Hongrie a modifié sa loi sur les rassemblements pour interdire tout événement public promouvant le contenu déjà restreint par la loi de 2021 contre la « propagande LGBT » — interdisant de facto toutes les manifestations LGBTIQ+, y compris les marches des fiertés.
Cela viole l’article 12 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, l’article 2 du Traité sur l’Union européenne (TUE), ainsi que plusieurs arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. En vertu de l’article 17 TUE, la Commission européenne est juridiquement tenue de garantir l’application du droit de l’UE. Cela implique d’engager une procédure d’infraction et de demander des mesures provisoires pour suspendre la législation nationale illégale.
Mais trois mois plus tard, la Commission affirme toujours qu’elle est en train « d’évaluer » la situation.
La loi fait moins de deux pages. La Commission dispose de centaines de juristes. Et pourtant, elle « évalue » toujours.
« On pourrait croire qu’avec quelques centaines de juristes et une loi courte qui se lit pendant une pause-café, la Commission aurait agi depuis longtemps », déclare Rémy Bonny, directeur exécutif de Forbidden Colours. « À moins, bien sûr, qu’elle n’ait simplement décidé de ne pas trop regarder. »
Lors d’un débat au Parlement européen le 18 juin, le commissaire Michael McGrath a confirmé une nouvelle fois que « la Commission évalue la loi ». À ce stade, cette formule relève d’un numéro cynique de faux-semblant — un haussement d’épaules bureaucratique pendant qu’un État membre criminalise l’égalité.
« Soyons clairs : la Commission n’est pas incertaine — elle est complice », ajoute Réy Bonny. « Et ce sont les Hongrois LGBTIQ+ qui paient le prix de sa lâcheté. »
« Tout cela aurait pu être évité si la Commission avait fait son travail dès le premier jour », conclut Vincent Reillon.
De l’inaction au pinkwashing : le coup de com’ de Lahbib
Pour couronner le tout, le 19 juin, il a été annoncé que Hadja Lahbib, commissaire européenne à l’Égalité, participera à la Budapest Pride.
C’est la même Hadja Lahbib qui, jusqu’ici, s’est contentée d’un tweet face à l’interdiction de la Pride en Hongrie. Depuis ce tweet, elle est restée silencieuse pendant que la police interdisait les marches LGBTIQ+. Mais dès qu’un événement alternatif, perçu comme à faible risque, a été annoncé — elle a subitement décidé d’y participer.
« C’est facile de venir faire semblant de s’intéresser une fois que les caméras sont allumées », ironise Vincent Reillon, responsable plaidoyer chez Forbidden Colours. « Mais le vrai leadership, c’est se battre pour que la Pride soit légale — pas juste venir pour le post Instagram. »
« La Commission agite un drapeau arc-en-ciel d’une main et tient le manteau d’Orbán de l’autre », ajoute Bonny. « Ce n’est pas de la solidarité. C’est du pinkwashing — et les personnes LGBTIQ+ ne sont pas dupes. »
Avec cette nouvelle interdiction annoncée par la police, il est probable qu’Hadja Lahbib fuira à nouveau ses responsabilités.
Une décision judiciaire attendue pour une manifestation parallèle
Parallèlement, une coalition d’organisations LGBTIQ+ (hors Budapest Pride) a engagé une procédure légale pour obtenir l’autorisation d’organiser une manifestation le 28 juin. Leur demande initiale pour un rassemblement le 1er juin avait été refusée par la police, qui s’est appuyée sur la loi de mars 2025. Les organisateurs ont fait appel, et la Cour suprême hongroise (Curia) leur a donné raison — mais le jugement est arrivé quelques heures seulement avant l’événement, trop tard pour l’organiser.
Ils ont ensuite déposé une nouvelle demande pour le 28 juin, avec un texte identique à celui précédemment validé. La police l’a à nouveau rejetée, invoquant la même loi. Les organisateurs ont fait un nouvel appel, et une décision finale de la Curia est attendue pour le 20 juin.
« Si la Curia a encore un minimum de cohérence, elle doit autoriser cette manifestation », déclare Vincent Reillon. « Mais nous évoluons dans un système où la cohérence juridique n’est plus garantie. »
Forbidden Colours appelle la Commission européenne à cesser de faire semblant.
La loi est connue. Les violations sont évidentes. Les outils juridiques sont disponibles.
Nous exigeons :
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Une procédure d’infraction contre la Hongrie pour sa loi de mars 2025 interdisant la Pride
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Une demande de mesures provisoires auprès de la Cour de justice de l’UE
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Une action immédiate pour faire respecter les traités européens et les droits fondamentaux
Tant que la Commission refuse d’agir, elle ne fait pas qu’abandonner son devoir, elle participe activement à la criminalisation de la Pride et à l’érosion de la démocratie en Hongrie.